TOTh 2012

TOTh 2012
 
7-8 June 2012, University of Savoie, Chambéry, France
 
 
 
Opening talk: Sciences du langage et ontologie
 
Sylvain Auroux, Directeur de recherches, CNRS, UMR 7597 « Histoire des théories linguistiques », Université Paris Diderot.
 
Une ontologie est l’ensemble des hypothèses sur l’aménagement dernier du monde, autrement dit sur ce qui existe en dernier recours. Toute science est concernée par des hypothèses ontologiques. La linguistique l’est de deux façons. D’abord par ce qu’impliquent ontologiquement ses catégories. Est-ce qu’un « nom » cela existe et où ? Nous rappellerons les faiblesses de l’hypothèse substantialiste chomskyenne qui soutient l’identité entre la structure des échanges langagiers, leur représentation mentale et leur théorie. Le second point concerne l’objet lui-même, le langage, ou plutôt les langues. Dans chaque vocabulaire, il y a quelque chose comme une nomenclature (qui n’a pas nécessairement la même structure qu’une « nomenclature scientifique »), dans chaque construction syntaxique il y a une façon de rendre compte de l’organisation du monde, comme, par exemple, dans la structure prédicative des langues indo-européennes et l’opposition nom vs verbe. Doit-on admettre que c’est la structure du monde qui se reflète dans les langues, mais alors pourquoi la diversité ? Peut-on distinguer ce que notre représentation doit au monde et ce qu’elle doit à nos langues ou doit-on admettre qu’il n’y a pas de solution de continuité entre le monde et le langage ? La diversité des langues plaide-t-elle en faveur du relativisme ontologique ?
 
Il interrogera ensuite le format ontologique, produit d’une théorie de la connaissance et d’une tradition métaphysique concrétisée par la sémantique dénotative. Il est généralisé en représentation des connaissances, et dont le Web sémantique, à la suite des réseaux sémantiques de l’IA, puis des Wordnets des années 90, constitue l’aboutissement et la généralisation, en même temps qu’un domaine d’application majeur. En passant du web des documents au web des données, il a affirmé la prééminence des métadonnées sur les données.
 
Disputatio: Eugen Wüster (1898-1977), terminologie et variation
 
Danielle Candel, Chercheur CNRS, UMR 7597 « Histoire des théories linguistiques », Université Paris Diderot.
 
Eugen Wüster (1898-1977) est considéré comme le père fondateur de la terminologie moderne. Il n’est donc pas étonnant que l’on parle de lui. Mais on notera que, en France du moins, c’est souvent pour le décrier : on cherche à se démarquer de lui. Quelles sont les attitudes des linguistes, des lexicographes, des terminologues, des sociolinguistes et des socioterminologues, des normalisateurs à son égard ? On donnera quelques éléments de réponse à ces questions. On cherchera surtout à s’expliquer certaines de ces attitudes et à mieux comprendre certains débats.
 
Mais connaît-on suffisamment Wüster, cet industriel allemand, né en Autriche, ingénieur, par ailleurs terminologue et linguiste autodidacte autrichien, et pour qui, en 1972, on créa même un poste à l’université de Vienne ? Sans doute pas, et ses prises de position continuent à être évoquées sans que ses écrits soient cités avec précision. Wüster a porté des casquettes variées, il a beaucoup écrit, dans des voies très différentes les unes des autres, et toutes ces facettes ne sont pas connues de la majorité des spécialistes qui l’évoquent dans leurs écrits, loin de là.
 
Il sera naturellement indispensable de rappeler quelques-uns des apports de Wüster, et l’attitude qui était la sienne vis-à-vis de divers spécialistes ou de diverses spécialités. L’activité et l’œuvre de cet ingénieur font certes de lui un extrémiste de la terminologie et de la normalisation. Et cette terminologie pure et dure de Wüster, qui sert de référence, en fonction de laquelle on peut aisément se positionner pour en prendre globalement le contre-pied et pour mieux assurer ses propres positions, joue en somme le rôle d’une borne bien commode. On se reportera à plusieurs écrits de Wüster, et notamment à des extraits traduits en français des textes suivants :
– Internationale Sprachnormung in der Technik besonders in der Elektrotechnik, 3. Auflage, 1970, Bouvier, Bonn, 507 p. (1e éd. : 1931, 2e éd. : 1966). (La normalisation linguistique internationale dans la technique, en particulier dans l’électrotechnique)
– Das Worten der Welt, schaubildlich und terminologisch dargestellt, Sprachforum 3, n° 3-4, 1959/60, 183-204 (« La nomination du monde » ou, pour R. Kocourek, « Exposé illustré et terminologique de la nomination du monde ») Benennungs- und Wörterbuch-Grundsätze – Ihre Anfänge in Deutschland, Muttersprache 1973, 6, 434-440
– Die Allgemeine Terminologielehre – ein Grenzgebiet zwischen Sprachwissenschaft, Logik, Ontologie, Informatik und den Sachwissenschaften, Linguistics 119, 1974, 61-106. (« La théorie générale de la terminologie – une zone frontalière entre linguistique, logique, ontologie, informatique et les sciences des choses» ou, pour R. Kocourek, «L’étude scientifique générale de la terminologie, zone frontalière entre la linguistique, la logique, l’ontologie, l’informatique et les sciences des choses »)
– Die Ausbildung in Terminologie und terminologischer Lexikographie, Lebende Sprachen 1975-2, 33-38
– Einführung in die Allgemeine Terminologielehre und Terminologische Lexikographie, The LSP Centre, Unesco ALSED LSP Network, The Copenhagen School of Economics, 2e éd., 1985, 214 p. (1e éd. : 1979, Schriftreihe der Technischen Universität Wien). (« Introduction à la théorie générale de la terminologie et à la lexicographie terminologique »)
pour souligner que par delà la borne bien commode de la terminologie pure et dure que l’on attribue à Wüster se cache une pensée plus complexe, une œuvre multidisciplinaire au sein de laquelle nombre de terminologues et linguistes seraient surpris de trouver exprimées quantités de leurs propres convictions : à côté de la défense de dénominations techniques figées et de leurs nécessaires représentations, on trouve la reconnaissance de la variation lexicale et terminologique.

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